Projet pour la foire aux questions du forum usenet fr.sci.physique (FAQ-fsp). ---------- Petit historique de la physique quantique ---------- Rubrique : Physique de XXe siècle, physique quantique But : donner quelques repères historiques sur la physique quantique, ainsi que quelques concepts Mots-clef : physique quantique, mécanique quantique, modèles de l'atome Version : 1.1.3 Date : 21/02/2001 Niveau : approfondi Auteur : Christophe DNC Corrections : Luc Bourhis, Philippe Borrel, Nicolas Couchoud ---------- Introduction La physique quantique est une science obscure pour la plupart des gens ; pourtant, elle a des applications concrètes, avec entres autres les transistors qui ont permis l'explosion de l'électronique (ordinateurs, cartes a puces, HiFi, vidéo...), les lasers (mesure des distances, microchirurgie, CD et DVD), et les méthodes d'analyse (microscopie électronique, imagerie médicale par résonance magnétique, analyse chimique par spectroscopie...). Le but de ce petit historique est de montrer que, si la physique quantique a été une véritable "révolution culturelle" dans la manière d'appréhender la nature, elle n'est pas pour autant en rupture mais s'ancre dans les découvertes du XIXe siècle. Il s'articule en trois volets : I - Quantification de l'énergie II - Découverte du photon et de la dualité onde-corpuscule III - Modèles de l'atome Annexe A - Quelques formules Annexe B - Pour en savoir plus --------------------------------------------------------------------- I - Quantification de l'énergie La physique a considéré pendant longtemps que l'énergie était continue, c'est à dire qu'elle pouvait prendre toutes les valeurs dans un intervalle ; ainsi, lorsqu'une voiture accélère progressivement de 0 à 50 km/h, son énergie cinétique varie de manière continue de 0 à 15 kJ. Dès le début du XIXe siècle, certaines observations montrèrent qu'il n'en est pas toujours ainsi : dans certains cas, l'énergie ne peut prendre que certaines valeurs déterminées, discrètes (on peut les dénombrer), et aucune autre --elle est dite "quantifiée". C'est de ce phénomène que la physique quantique tire son nom. 1814 : Joseph von Fraünhoffer découvre que le spectre visible du soleil n'est pas continu mais présente des bandes noires (la première observation est de William H. Wollaston, 1802) ; en fait, le soleil émet une lumière ayant un spectre continu, mais certaines longueurs d'ondes (couleurs) sont absorbées par les gaz qui entourent l'étoile ; 1854 : Gustav Kirchhoff découvre l'absorption et l'émission caractéristique de la lumière par la matière : la matière n'absorbe que certaines couleurs (càd longueurs d'onde) et pas d'autres, de même, portée à incandescence, elle n'émet que certaines couleurs et pas d'autres [#] ; ce sont les raies spectrales ou raies caractéristiques ; 1859 : G. Kirchhoff et Robert Bunsen découvrent la présence de deux nouveaux éléments chimiques, le césium (Z=55) et le rubidium (Z=37), en observant leur raies spectrales ; 1900 : Max Planck, en étudiant le rayonnement du corps noir, en déduit que l'énergie électromagnétique échangée est quantifiée : les échanges se font par morceaux, par "grains d'énergie" et non pas de manière continue ; le corps noir est un modèle qui permet d'expliquer pourquoi le métal devient lumineux lorsqu'il s'échauffe ; il reçoit de l'énergie de l'extérieur sous forme électromagnétique (lumière visible, infrarouges, ultraviolets entres autres), et lorsqu'il est à l'équilibre, il émet autant d'énergie qu'il en reçoit, également sous forme électromagnétique ; si l'énergie variait de manière continue, le corps noir posséderait d'après le calcul une énergie infinie (ce que l'on a appelé la "catastrophe ultraviolette") ; 1913 : Niels Bohr propose un modèle de l'atome où les niveaux d'énergie des électrons sont quantifiés, càd que l'énergie totale des électrons ne peut prendre que certaines valeurs (cf. point III) ; ainsi, les raies spectrales correspondent à des sauts d'électrons entre ces orbites définies ; 1923 : Dirk Coster et Georg von Hevesy découvrent le hafnium (Z=72), un élément manquant de la table de classification périodique, grâce à ses raies caractéristiques dans le domaine des rayons X (découverts en 1895 par Röntgen). [#] sous forme atomique ; les plasmas, eux, émettent selon un spectre continu ; notons de plus que les raies d'absorption et les raies d'émission sont situées aux mêmes longueurs d'ondes --------------------------------------------------------------------- II - Découverte du photon et de la dualité onde-corpuscule Aux XIXe siècle, la physique distinguait clairement deux type d'objets : les objets massifs, matériels, que l'on peut définir par une masse, un volume, une position dans l'espace, que l'on peut certes casser ou coller, mais pas créer à partir du vide ou bien faire disparaître ; les ondes, comme le son, immatérielles, que l'on ne peut pas localiser (on peut déterminer l'origine d'un bruit, mais on l'entend partout dans la pièce), que l'on peut ajouter (comme deux notes s'ajoutent dans un accord de musique -- interférence), que l'on peut créer ou annihiler (en pinçant une corde de guitare ou en l'arrêtant). Certains phénomènes découverts fin XIXe-début XXe siècle concernant la lumière et l'électromagnétisme (effet photoélectrique et corps noir) ont obligé les physiciens à revoir ces principes ; certains phénomène ondulatoires ne pouvaient s'expliquer qu'avec des particules, et des particules se comportaient comme des ondes. Après est venu un problème "philosophique" : quelle signification donner à cette notion d'onde dans le cas d'une particule matérielles ? La probabilité de présence répondit Born. 1831 : Michael Faraday émet l'hypothèse de forces magnétiques invisibles qui forment des lignes autour des aimants, c'est la naissance de la notion physique de champs ; 1861 : James Maxwell met en forme les lois de l'électromagnétisme, établies avant lui par Biot et Savart (1820), Ampère (1825) et Faraday (1831) ; il postule que la lumière est une onde électromagnétique ; 1887 : Heinrich Hertz travaille sur la propagation d'ondes électromagnétiques, et établit que celles-ci ont les mêmes propriétés que la lumière et les ondes de chaleur, confirmant l'hypothèse de Maxwell [##] ; il découvre en même temps l'effet photoélectrique : il génère des ondes électromagnétiques avec un oscillateur (système avec une bobine à induction), et celles-ci créent une étincelle à distance ; or, l'étincelle apparaît plus facilement lorsqu'il y a de la lumière que dans le noir ; il montre que ce sont les ultraviolets qui aident à la création de l'étincelle ; 1897 : J. J. Thomson découvre l'électron (cf. point III) ; 1900 : Max Planck, en étudiant le rayonnement du corps noir, en déduit que l'énergie échangée est quantifiée et établit une relation entre la longueur d'onde (la couleur) de la lumière et la quantité d'énergie de chaque grain d'énergie ; Philipp Lenard met en évidence le rôle de l'électron dans l'effet photoélectrique (il n'était jusqu'alors pas évident que la charge que perdait l'atome était quantifiée) ; Owen Richardson et Robert Millikan mettent en évidence le rôle de la fréquence de la lumière sur l'effet photoélectrique ; 1905 : Albert Einstein propose un modèle d'énergie lumineuse quantifiée : le photon ; ceci permet d'expliquer la quantification des échanges d'énergie dans le corps noir et l'effet photoélectrique : l'énergie d'un flot de lumière n'est pas répartie de manière uniforme mais concentrée dans des "grains de lumière", les photons, emportant une quantité déterminée d'énergie ; l'énergie d'un photon dépend de sa longueur d'onde selon la loi établie par Planck ; 1923 : Arthur H. Compton remarque que la longueur d'onde des rayons X augmente lorsqu'ils sont diffusés par des atomes légers ; la découverte de l'effet Compton établit la nature corpusculaire des rayons X (les photons X, grains d'énergie électromagnétique, se heurtent aux électrons des atomes [###] et perdent un peu de leur énergie) ; Heisenberg propose une nouvelle manière de voir la physique, les objets n'étant plus définis par des grandeurs mesurées (comme la position, la masse, la température...), mais par leur interaction avec d'autres objets (observation indirecte des atomes par diffraction, ou bien absorption et émission caractéristique d'ondes par exemple) ; 1924 : Louis de Broglie émet l'hypothèse qu'à toute particule matérielle est associée une onde ; 1926 : Erwin Schrödinger décrit l'évolution de la fonction d'onde dans le temps (l'équivalent des lois de Newton en mécanique classique) ; Max Born donne une explication à la fonction d'onde : elle représente la probabilité de présence d'une particule en un endroit ; 1927 : Clinton Davisson et Lester Germer font diffracter des électrons, confirmant l'hypothèse de Louis De Broglie (les électrons se comportent comme des ondes) ; 1929 : Estermann et Otto Stern font diffracter des molécules lourdes (elles se comportent elles aussi comme des ondes). 2001 : diffraction du fulrène (C60), une molécule d'environs 1 nm, dont la longueur d'onde de De Broglie (2,5 pm) est 400 fois inférieure au diamètre (Arndt, Nairz, Voss, Keller, Van der Zouw et Zeilinger, Université de Vienne) [##] et conduit à la création de la radio : 1896, premier télégraphe sans fil de Marconi, 1901, première liaison transatlantique [###] il s'agit en fait d'une ionisation, le photon X éjecte un électron faiblement lié au noyau ; en l'occurence, l'électron part à une vitesse beaucoup plus grande que dans le cas d'un effet photoélectrique, où la majeure partie de l'énergie sert à libérer l'électron --------------------------------------------------------------------- III - Modèles de l'atome Depuis l'antiquité grecque, on supposait que la matière pouvait se fractionner en petits morceaux jusqu'à obtenir des grains indivisibles, les atomes (gr. atomos, "ce que l'on peut diviser"), qu'elle était comme "de la poussière dans la lumière". C'est avec l'expérience de Rutherford que l'on atteint enfin ce grain : les particules alpha, en traversant la matière, vont voir leur trajectoire perturbée, ce qui va permettre enfin de savoir comment est organisée cette "poussière"... 1675 (hé oui, déjà !) Jean Picard observe une luminescence verte en agitant un tube de baromètre ; on découvrira quelques siècles plus tard que cela est dû à l'électricité statique et aux vapeurs de mercure ; 1854 : Geissler et Plücker découvrent les rayons cathodiques, des rayons verts luminescents lorsque l'on établit une forte tension électrique dans une ampoule dont on a pompé l'air (faible pression de gaz) ; ils inventent ainsi la lampe à décharge, qui éclaire maintenant nos supermarchés d'une lumière blanche (néons), nos rues et nos parking d'une lumière orange (lampes au sodium) ; 1887 : J. J. Thomson établit que ces rayons cathodiques sont constitués de particules chargées négativement arrachées à la matière, et découvre ainsi l'électron ; c'est la première décomposition de l'atome ; 1900 : Max Planck montre la quantification des échanges d'énergie dans la matière (recherches sur le corps noir, cf. point II) ; 1911 : expérience de Rutherford : il bombarde une feuille d'or par des particules alpha (des noyaux d'hélium, chargés positivement, obtenus par radioactivité) ; il en déduit que : la plupart des particules vont en lignes droites, donc la matière est "pleine de trous" ; mais certaines sont déviées et même rebroussent chemin, donc elles rencontrent des îlots très concentrés de matière chargée positivement (les + se repoussent entre eux) ; il en déduit son modèle planétaire : l'atome est constitué d'un noyau positif très petit et d'électrons tournant autour ; ce modèle pose un gros problème : en tournant, les électrons devraient perdre de l'énergie par rayonnement, et donc s'écraser sur le noyau... 1913 : Niels Bohr réunit les concepts de Planck et de Rutherford, et propose son modèle : les orbites des électrons ont des rayons définis, il n'existe que quelques orbites "autorisées" ; ainsi, lorsque l'électron est sur l'orbite la plus basse, il ne peut pas descendre en dessous et s'écraser (mais ce modèle n'explique pas pourquoi) ; 1914 : l'expérience de Franck et Hertz (Gustav) valide le modèle de Bohr : ils bombardent des vapeurs de mercure avec des électrons ; l'énergie cinétique perdue par les électrons traversant les vapeurs est toujours la même ; 1924 : Louis De Broglie postule la dualité onde-corpuscule ; 1926 : Schrödinger modélise l'électron comme une onde, l'électron dans l'atome n'est donc plus une boule mais un "nuage" qui entoure le noyau ; Ce modèle, contrairement aux autres, est stable car l'électron ne perd pas d'énergie. --------------------------------------------------------------------- Annexe A - Quelques formules Ondes électromagnétiques : relation entre la longueur d'onde lambda (en m), la fréquence nu (en Hz) de cette onde et la vitesse de la lumière dans le vide c : lambda = c/nu c est une constante qui vaut environs 3.10^8 m/s (300 000 km/s) Loi de Planck reliant la fréquence nu (en Hz) d'un photon et la quantité E d'énergie (en J) qu'il emporte : E = h.nu ou h est la constante de Planck, qui vaut environs 6,6.10^(-34) J.s --------------------------------------------------------------------- Annexe B - Pour en savoir plus L'article Quantum Mechanics de l'Encyclopaedia Britannica http://www.britannica.com/bcom/eb/article/0/0,5716,119070+1+110312,00.html l'article Atom de l'Encyclopaedia Britannica http://www.britannica.com/bcom/eb/article/3/0,5716,119282+1,00.html l'article Light de l'Encyclopaedia Britannica http://www.britannica.com/bcom/eb/article/9/0,5716,119359+1+110443,00.html Le site de l'École Polytechnique (X) http://www.enseignement.polytechnique.fr/physique/quantique/fr/