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Le lecteur doit bien comprendre une chose : personne n'a jamais vu ou touché un atome. La matière est supposée être composée d'atomes, donc tout ce que l'on voit ou touche est un assemblage d'atomes. Mais les atomes sont trop petits pour que l'on puisse les voir ou les toucher individuellement.
En effet, les terminaisons nerveuses de nos doigts sont composées de plusieurs dizaines de milliers d'atomes, donc quand un nerf envoit à notre cerveau une sensation tactile, il nous est impossible de savoir si la terminaison l'on a touché un ou dix mille atomes. Et la sensation procurée par un petit nombre d'atomes est sans doute trop faible pour que l'on s'en aperçoive. Ceci nous donne une impression de continuité de la matière.
Par ailleurs, la lumière diffracte sur les objets. Une bonne image de la diffraction, ce sont les vagues qui entrent dans un port : les vagues arrivent droites en se propageant dans une seule direction, mais en passant l'entrée du port, elles se courbent et se propagent également à gauche et à droite de leur direction initiale.
Ainsi, la lumière qui frappe un atome est diffusée dans toutes les directions, de sorte que cela forme une tache floue au lieu d'une image nette. En fait, les images que l'on voit sont comosées de taches floues qui se recouvrent et donnent une impression de continuité de la matière. Il nous est donc impossible de distinguer les atomes individuellement, même avec un puissant microscope, puisque les taches se mélangent.
En conclusion, la notion d'atome est une notion indirecte : les propriétés de la matière ont conduit à la notion d'atome, et les atomes ne sont connus que par leurs effets et leurs manifestations. Pour faire un parallèle, vous n'avez jamais vu vos arrière-arrière-grand-parents, tous ce que vous connaissez d'eux, ce sont les conséquences de leur existence : vous, votre famille, peut-être des photographies ou des lettres.
Or donc, vous voila obligé de croire les scientifiques lorsqu'ils vous disent que les atomes existent et qu'ils ont telle ou telle propriété. Mais l'image que l'on donne ne peut être qu'une analogie avec un objet de notre quotidien ayant les mêmes propriétés, pas une image exacte de l'objet.
Voici une définition simplifiée de l'atome.
Considérons un cristal de sucre ; si l'on casse ce cristal en deux, on obtient deux petits cristaux de sucre, chacun aura le même goût. Si l'on casse encore ces morceaux en deux, on aura quatre petits cristaux, toujours en sucre, avec le goût du sucre. En répétant ces divisions, il arrivera un moment où l'on n'aura plus du sucre, mais deux morceaux d'une substance différente (en supposant que l'on ait le goût suffisamment développé pour sentir cette quantité infime de matière, on aurait un goût différent) ; d'ailleurs, pour arriver à cette dernière division, il nous aura fallu beaucoup plus d'énergie que pour les précédentes.La plus petite quantité de sucre que l'on peut avoir est une molécule de sucre. Toutes les substances pures, solides, liquides ou gazeuses, sont composées de molécules toutes identiques, la molécule est la plus petite quantité d'une substance pure que l'on peut avoir1. Éh bien ces molécules sont elles-mêmes des assemblages de «briques élémentaires», les atomes. Il existe 103 types d'atomes différents connus, 103 «éléments», 103 briques élémentaires. C'est l'arrangement de ces 103 types d'atomes différents qui permet de creéer toutes les molécules existantes, donc tous les matériaux, toutes les substances pures.
Les atomes sont des objets dont la taille varie entre 10-10 et 10-9 m, soit environ un millionième de millimètre : sur un trait de 1 mm, on peut mettre un million d'atomes côte-à-côte.
La masse de l'atome le plus léger, l'hydrogène, est de 1,7.10-24 gramme, c.-à-d. qu'il faut 602 millions de milliards d'atomes d'hydrogène pour avoir un milligramme. L'atome le plus lourd, le Lawrencium, pèse 257 fois plus lourd que l'atome d'hydrogène.
À l'émission
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Puisque personne n'a jamais vu ni touché d'atome, celui-ci n'est qu'un modèle : "on suppose qu'il existe un objet que l'on nomme «atome» et qui constitue la matière, ses caractéristiques sont les suivantes : ...". Ce modèle est accepté par toute la communauté scientifique et n'a jamais été mis en défaut, mais il a évolué au cours du temps. Nous présentons ici les grandes étapes qui ont amené au concept actuel d'atome.
Une idée ne germe jamais dans un seul esprit, il est donc probable que plusieurs peuples aient développé la notion de "grain composant la matière", tant ce concept semble évident lorsque l'on morcèle une motte de terre.
Dans la culture européenne, ce concept est cité pour la première fois dans la Grèce antique au Vème siècle avant Jésus Christ, chez les philosophes pré-socratiques (notamment Leucippe, env. 470-360 av. J.-C.). C'est d'ailleurs du grec que vient le terme atome, atomos (ατoμos) signifiant «que l'on ne peut diviser».
Mais il ne s'agit là que d'une conception a priori du monde, on suppose que la matière ne peut se diviser indéfiniment. Ceci est à mettre au même niveau que la décomposition du monde en quatre éléments (eau, air, terre, feu). Ce fut sans doute un tournant philisophique majeur, à l'origine du matérialisme et de la critique de la religion, mais scientifiquement parlant, ce n'était qu'une intuition sans plus de valeur que les autres.
Depuis des millénaires, on a remarqué que les produits se transforment : le feu, la métallurgie (transformation du minerai en métal), la corrosion (dégradation du métal), la vie, la cuisson des aliments, la décomposition de la matière organique... Par exemple, pour Démocrite, les transformations de la matière s'expliquaient de la manière suivante : il y avait quatre types d'atomes (eau, air, terre, feu) qui s'associaient et se dissociaient, en fonction de l'amour ou de la haine qu'ils se portaient. Au Moyen-Âge, les alchimistes ont étudié ces transformations et remarqué qu'elles suivent des règles bien précises.
Vers 1760, des chimistes anglais commencent à s'intéresser aux gaz produits par les réactions, afin d'en mesurer le volume et de les peser. Ainsi, Joseph Black, Henry Cavendish et Joseph Priestley découvrent différents «airs» (c.-à-d. gaz) : l'«air fixe» (le gaz carbonique), l'«air inflammable» (le dihydrogène), l'«air phlogistiqué» (le diazote), l'«air déphlogistiqué» (le dioxygène)... (Le terme «phlogistique» provient de la théorie du chimiste allemand Georg Ernst Stahl, au début du XVIIIème siècle, pour expliquer la combustion ; cette théorie fut balayée par Lavoisier.)
Antoine Laurent de Lavoisier (chimiste français) énonce en 1773 que2
Rien ne se perd,(formulé d'une manière légèment différente à l'époque) signifiant par là que :
rien ne se crée,
tout se transforme
Le terme d'«analyse» provient d'ailleurs de cette notion de décomposition, lusis (λυσιs) signifie "dissolution" en grec : on décompose les produits (par attaque acide, en les brûlant, en les distillant...) jusqu'à obtenir des substances simples reconnaissables facilement (l'hydrogène, l'oxygène...).
On a donc la première constatation expérimentale de la décomposition de la matière en substances élémentaires.
Un autre pas, fait en parallèle, vient de l'étude des propriétés des gaz et de la chaleur (thermodynamique).
Les fluides (liquides et gaz) sont étudiés en Europe depuis l'Antiquité, mais c'est au milieu du XVIIème siècle que l'on commence vraiment à cerner leur propriétés, avec l'invention du thermomètre (thermoscope de Santorre Santario, 1612), du baromètre et du vide pompé (Evangelista Torricelli, 1643), l'étude de l'expansion des gaz (Gilles Personne de Roberval, 1647), la pression atmosphérique (Blaise Pascal et Florin Perrier, 1648), les relations entre pression et volume (Robert Boyle en 1660, Edmé Mariotte en 1685), la notion de zéro absolu (Guillaume Amonton, 1702)...
René Descartes (mathématicien, physicien et philosophe français) émet l'idée, en 1644, que les gaz sont composés de particules tourbillonnantes. Mais il ne s'agit là encore que d'une conception imagée, sans appui expérimental ; dans le même ordre d'idées, Descartes pensait que c'était aussi un tourbillon de "matière subtile" qui entraînait la rotation des planètes (ceci fut mis en défaut par Isaac Newton avec l'attraction universelle en 1687).
Cependant, cette notion de corpuscules inspira d'autres scientifiques. Les mathématiciens suisses Jakob Hermann (1716) et Leonhard Euler (1729), mais surtout le physicien suisse Daniel Bernouilli (1733), effectuent des calculs en supposant que les gaz sont formés de particules s'entrechoquant, les résultats étant en accord avec l'expérience. C'est la conception «cinétique» des gaz, c.-à-d. l'explication de la température et de la pression par des particules en mouvement.
Une autre science se développe à la fin du XVIIIème siècle : la cristallographie. Ce qui intrigue les scientifiques, c'est l'observation des formes géométrique des cristaux naturels, et leur capacité à se cliver selon des plans lisses respectant ces symétries. Reprennant l'idée de classification des êtres vivants de Carl von Linné, on commence à rechercher et classer les minéraux (Jean-Baptiste Romé de Lisle, minéralogiste français, 1772). L'abbé René-Just Haüy (cristallographe français), en 1781, suppose que la forme des cristaux reflète la symétrie d'une "brique élémentaire", le cristal étant un assemblage de ces briques. On retrouve ici cette notion de composant élémentaire de la matière.
À ce stade, on a trois notions :
John Dalton (chimiste et physicien anglais), en 1804, mesure les masses des réactants et produits de réaction, et en déduit que les substances sont composées d'atomes sphériques, identiques pour un élément, mais différents d'un élément à l'autre, notamment par la masse de ces atomes. Il découvre également la notion de pression partielle (dans un mélange de gaz, la contribution d'un gaz donné à la pression totale).
En 1807, Louis Joseph Gay-Lussac (physicien et chimiste français), établit la loi reliant la température et la pression d'un gaz. En 1808, il établit que les gaz réagissent en proportions déterminées ; les rapports des volumes des réactants et produits de réaction sont des nombre entiers petits.
Amedeo Avogadro (physicien italien), en 1811, détermine que pour une température et une pression fixées, un volume donné de gaz contient toujours le même nombre de molécules, et ce quelque soit le gaz. Il fait également l'hypothèse que les gaz sont polyatomiques ; André Marie Ampère (1814), Jean-Baptiste André Dumas (1827) et William Prout (1834) arrivent à la même conclusion. Avogadro définit nettement les molécules et atomes en 1860.
En 1821, John Herapath (mathématicien anglais) publie une théorie cinétique des gaz pour expliquer la propagation des sons, les changements de phase (vaporisation, condensation) et la diffusion des gaz.
Robert Brown (botaniste britannique), en 1827, observe le mouvement de grains de pollen dans l'eau ; les grains vont en ligne droite, et ne changent de direction que lors d'un choc avec un autre grain ou bien contre une paroi. C'est de ce comportement, le «mouvement brownien», que s'inspireront les physiciens pour décrire le mouvement des molécules de gaz.
Gabriel Delafosse, en 1840, suppose que l'on peut dissocier la composante élémentaire du cristal et son organisation ; ainsi, la brique élémentaire de Haüy pourrait être un réseau aux noeuds duquel se trouveraient des "molécules". Louis Pasteur (chimiste et biologiste français), en 1847, établit le lien entre la forme des molécules et la forme des cristaux. Auguste Bravais (physicien français), en 1849, détermine les 32 réseaux cristallins possibles.
En 1858, Rudolf Julius Emanuel Clausius (physicien allemand) définit le libre parcours moyen d'une molécule dans un gaz (distance moyenne parcourue entre deux chocs). Partant de là, en 1859, James Clerk Maxwell (physicien écossais) introduit la notion de dispersion statistique des vitesses des molécules dans la cinétique des gaz. Ceci permis à Ludwig Boltzmann (physicien autrichien), en 1858, d'estimer la taille des molécules et de définir la répartition statistique des vitesses dans un gaz.
Dmitri Ivanovitch Mendeleïev (chimiste russe), en 1869, classe les atomes par masse croissante, et remarque qu'il y a une périodicité dans les propriétés. Il établit donc un tableau classant les éléments ; les trous dans ce tableau permirrent de découvrir de nouveaux éléments.
La notion d'atome et de molécule a donc permis le succès de la thermodynamique statistique, de la chimie et de la cristallographie. Ce modèle fut par la suite conforté par les découvertes de la physique quantique durant le XXème siècle, et notamment :
Luc Bourhis pour son article
«[LONG] La découverte de l'électron,
du proton et du neutron
(était Re: histoire des sciences)
»
distribué le 16 mars 2002 à 08:03:08 PST
sur le forum usenet
fr.sci.physique.
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