La dislocation est une zone de perturbation. Donc, en raison du désordre ambiant, un atome étranger, une impureté, peut s'y réfugier sans trop perturber le reste du cristal ; autrement dit, l'énergie de l'atome étranger est plus faible si celui-ci se trouve au niveau de la dislocation que s'il est au coeur du cristal. Cette diminution d'énergie constitue une "énergie de liaison" entre l'impureté et la dislocation. On a donc deux phénomènes :
Fig. 3.4 - Dislocation épinglée par des atomes étrangers
Fig. 3.5 - Course-poursuite entre la dislocation en mouvement (déformation plastique)
et le nuage de Cottrell (diffusion)
Un cristal peut contenir des précipités, c'est à dire des petits cristaux d'une autre phase noyés au sein du cristal (par exemple dans une fonte, des carbures de fer Fe3C dans la matrice de fer). Les précipités vont eux aussi freiner la dislocation ; par contre, vu leur taille, il ne diffusent pas, donc c'est nécessairement la dislocation qui à leur rencontre. La présence de précipités durcit donc le matériau, c'est ce que l'on appelle le durcissement structural.
Il y a deux mécanismes de freinage de la dislocation. Le premier est la mécanisme d'Orowan : la dislocation ne peut pas traverser le précipité (la déformation propagée par la dislocation n'est pas compatible avec la structure cristalline du précipité), elle «contourne» donc le précipité. Lorsque la dislocation a franchi le précipité, les deux ganses se rejoignent, cela libère la dislocation et forme une boucle de dislocation autour du précipité. À première vue, c'est un peu similaire à l'épinglage par les atomes étrangers, sauf que l'on a création d'une boucle de dislocation.
Fig. 3.6 - Durcissement structural :
mécanisme d'Orowan
(contournement du précipité)
Le deuxième mécanisme est le cisaillement du précipité. La déformation propagée par la dislocation est compatible avec la structure cristalline du précipité, la dislocation va donc déformer le précipité lui-même.
Fig. 3.7 - Durcissement structural :
cisaillement du précipité
Deux dislocations, dont les lignes ne sont pas parallèles, et qui se croisent vont s'épingler mutuellement. Il s'agit là encore d'un effet de la déformation élastique, globalement :
Fig. 3.8 - Écrouissage :
épinglage d'une dislocation par d'autres (arbres de la forêt)
Les dislocations se multiplient au cours de la déformation plastique. Le principal mécanisme fut décrit par Franck et Read :
Fig. 3.9 - Écrouissage :
multiplication des dislocations par le mécanisme de Franck et Read
La dislocation est une zone de perturbation élastique, elle contient de l'énergie élastique ; donc, plus elle est longue, plus elle contient d'énergie. Ainsi, pour minimiser la quantité d'énergie stockée, elle a tendance à minimiser sa longueur, c'est à dire à être droite. Lorsqu'elle se courbe, qu'elle s'allonge, il y a donc une "force de rappel" qui tend à la ramener droite, comme un fil élastique ; on parle de "tension de ligne".
Cette tension de ligne dépend bien entendu de la structure du coeur, donc de la direction de la ligne (puisque celle-ci détermine l'énergie élastique, cf. Étalement du coeur).
C'est en partie cette tension qui lui permet de franchir les obstacles qui l'épinglent : en effet, la dislocation se courbe sous l'effet de la contrainte (force d'entraînement), donc la tension augmente, et lorsque celle-ci dépasse la force d'épinglage, la dislocation se libère.
En fait, la dislocation est comme une corde vibrante ; bien entendu, ce sont les atomes qui vibrent sous l'effet de l'agitation thermique, mais lorsque des atomes se déplacent, cela modifie le dessin de la ligne de dislocation. Tout se passe donc "comme si" la dislocation elle-même vibrait, comme un fil élastique tendu par la tension de ligne. Cette vibration peut permettre à la dislocation épinglée de "sauter" l'obstacle.
L'énergie de vibration est proportionnelle à kT, k étant la constante de Boltzmann1 et T la température absolue (en Kelvin2), et cette énergie participe à la libération de la dislocation, à son désancrage. Donc, le désancrage est thermiquement activé, cela explique que la limite élastique diminue avec la température, le matériau se "ramollit" lorsqu'il chauffe.
La tension de ligne explique aussi que les boucles de dislocation ne soient en fait pas circulaires : le cercle est la figure géométrique qui minimise la longueur, mais cela ne minimise l'énergie que si le milieu est isotrope ; or, le cristal a des directions préférentielles, l'énergie dépend de la longueur donnée de ligne et de l'orientation de la ligne. Une boucle de dislocation sera donc en fait composée de parties rectilignes dont les directions sont perpendiculaires aux directions denses du cristal (ce sont les directions pour lesquelles l'énergie est minimale). Dans le cas d'un cristal cubique centré par exemple, les boucles dans les plans {111} seront hexagonales.
Notes