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Pyramide de Maslow
Application au secourisme associatif - 4


4 -- Motivation des bénévoles

Un des gros problèmes du bénévolat est la motivation. Nous ne sommes pas payé, et le secourisme est parfois ingrat : conditions climatiques difficiles pour certains postes, efforts à fournir (se lever tôt un dimanche matin, efforts physiques lors d'un brancardage, supporter les caractères difficiles de certaines personnes du public), ennui des postes où il ne se passe rien, ou au contraire stress de l'intervention, manque de reconnaissance de la part du public et des autorités... Et qui fait que l'on voit fréquemment des bénévoles arrêter leur activité, ou bien devenir sapeur-pompier volontaire à la place (l'association voit ainsi s'envoler l'argent investi dans la formation de la personne).

Les quelques réflexions qui suivent s'appuient sur la pyramide de Maslow pour essayer de voir ce qui peut démotiver une personne initialement motivée, et comment on peut au contraire essayer de la remotiver. Il n'y a rien de bien original, la plupart des recettes sont bien connues, mais la pyramide de Maslow peut permettre d'éviter des erreurs (p.ex supprimer la bouffe annuelle) et donner de nouvelles idées...


4.1 - Niveau 1 - besoins vitaux

Activité «normale»

Cela peut paraître évident, mais... lorsque le secouriste est en poste ou fait une formation, ou encore pendant une réunion, il doit pouvoir... respirer, avoir du matériel adapté aux risques (casques sur un motocross, vêtements haute-visibilité sur la route), pisser, boire et manger, être à l'abris des intempéries. En réunion, respecter l'interdiction de fumer, mais aussi respecter le droit de fumer en ménageant des pauses - éh oui, le besoin de nicotine est ressenti comme la faim et est donc au niveau des besoins vitaux, encore un décalage entre impression et réalité. En poste, il faut prévoir avec les organisateurs le repas (ou le fournir, ou prévenir d'amener le sien).

Pour ce qui est d'uriner... imaginez-vous un dimanche matin dans le froid, avec un poste planté au milieu de la rue pour une course pédestre, et pas de bar à proximité... Même pour les hommes, pas moyen d'aller discrètement contre un arbre... On renoue avec la tradition du pot de chambre dans le véhicule (un seau avec une pastille d'eau de Javel que l'on va vider discrètement dans le caniveau). Oui, mais... la propreté du véhicule ? Bien évidemment, on prévoit un nettoyage (le plus pratique étant les lingettes anti-bactériennes). Il faut concilier hygiène de la victime et bien-être des secouristes.

Vie privée du bénévole

Mais il y a aussi la "survie" dans la vie de tous les jours... Une personne sans revenus ne viendra pas faire de bénévolat. Si un bénévole rencontre des problèmes financiers (fin de droit du chômage, étudiant n'ayant plus droit à une bourse, dépense nécessaire et inattendue), il arrêtera probablement le bénévolat (quitte à le reprendre plus tard).

Il est vain de penser que l'on peut résoudre ce problème en rémunérant les postes ou les formations : outre le fait que cela met l'association dans une situation délicate vis-à-vis du fisc (obligation d'un contrat de travail, de payer des charges), il faudrait que cette rémunération permette de vivre décemment, ce qui n'est pas possible dans le cas d'une activité ponctuelle, et une association n'a pas les moyens de l'État ou des collectivités territoriales.

Il est donc inutile de se fâcher avec cette personne, au contraire, si l'on reste en bons termes, elle reviendra peut-être lorsqu'elle aura retrouvé une situation stable. Dans le même ordre d'idée, on peut être offusqué lorsque quelqu'un nous contacte en nous demandant si notre activité est rémunérée ; il ne le faut pas (être offusqué), c'est peut-être une personne ayant besoin d'argent et préférant faire quelquechose d'utile, il vaut mieux alors la conseiller, p.ex. de s'adresser à un ambulancier privé pour rester dans le même type d'activité (et valoriser l'AFPS1 si la personne l'a déjà) ; elle recontactera alors peut-être l'association lorsqu'elle aura une situation stable, ou bien elle en fera une publicité positive.

Situations exceptionnelles

Là où cela devient moins évident, c'est pour les situations exceptionnelles, notamment les missions dans une autre région, voir à l'étranger. N'oublions pas que la route est une des principales causes de mortalité en France, donc s'il faut parcourir un long trajet, il faut préparer le voyage et les conducteurs : pauses régulières (toutes les 2h environ), respect scrupuleux des règles de conduite (limitations de vitesse, distance de sécurité, rester en convoi), surveiller les véhicules, les bagages et le matériel pendant les pauses, faire un point de situation à chaque pause pour voir la progression et prévoir les changements de direction (intersections, échangeurs) et ne pas être surpris... Il faut prévoir un chef de mission mature et responsable, et bon gestionnaire (le budget alloué doit permettre de faire le plein, nourrir les secouristes, payer les droits de passage).

Il se pose aussi le problème de la situation sur place. Si l'on fait intervenir des secouristes, c'est que la zone n'est peut-être pas entièrement sécurisée (constructions fragilisées, routes impraticables, chutes d'arbres...). Cela peut aussi être la situation politique ou sociale du pays qui pose problème (dans certains pays, tout le monde possède une arme à feu).

Note

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4.2 - Niveau 2 - besoins de protection et de sécurité

Le premier principe du secourisme étant la protection, il n'y a pas grand chose à dire en conditions normales. Si ce n'est qu'il est inutile de convaincre une personne ayant peur de l'eau de couvrir une course de canoë sur un canal. Là encore, c'est bien l'impression d'insécurité qui compte, pas la réalité du danger ; une personne fera volontier un poste sur un rallye (risque important) mais rechignera à faire un poste dans un quartier réputé difficile (alors que le risque d'agression y est extrêmement faible, mais amplifié par les media).

Par contre, le problème peut se poser en cas d'intervention sur un accident grave, une catastrophe, ou bien une intervention émotionnellement difficile (sur un proche du secouriste, sur un bébé). Bien qu'ayant un recul que les victimes et leur entourage n'ont pas, l'équipier va subir un stress important. Le rôle du chef d'équipe et des responsables est primordial : il doivent détecter les signes de défaillance des équipiers et les isoler pour qu'ils puissent "craquer" (p.ex. pleurer, parler) ; en fin d'intervention, faire un bilan collectif à chaud (debriefing) afin que chacun puisse s'exprimer et relâcher la pression, puis organiser une réunion plusieurs jours après pour en reparler ; enfin, par la suite (plusieurs jours, plusieurs semaines après), être à l'écoute des équipiers. Une expérience traumatisante peut perturber la vie de la personne (sommeil, humeur, travail, relations familiales), il faut en être bien conscient, et envisager éventuellement de faire appel à un psychologue.

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4.3 - Niveau 3 - besoin d'amour et d'appartenance

«La bonne ambiance»... «La rigueur sur le terrain, mais la déconnande entre nous»... «On organise des sortie, des bouffes en dehors des activités»... «On se pique de ces fou-rires parfois»...

La convivialité est un des aspects principaux des associations. Les bénévoles veulent bien donner du temps, de la force, de l'argent même, mais il faut qu'ils en retirent du plaisir.

Notons que le sentiment d'appartenance à un groupe peut être renforcé par l'unité de tenue (cf. paragraphe suivant concernant la tenue).

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4.4 - Niveau 4 - besoin d'estime de soi

«Être utile»... «Rendre service»... «Faire quelquechose de bien»...

On est évidemment là au coeur du bénévolat, et en particulier du secourisme.

Cependant, certains contextes peuvent faire douter de l'utillité de l'action. Par exemple, après une tempête ou une inondation, il va y avoir une première phase de recensement des tâches à accomplir, et pendant ce temps, le secouriste va avoir l'impression d'être inutile alors qu'il y a tant à faire. Ou encore, on sait très bien qu'une mission humanitaire à l'étranger obéit aussi aux exigences politiques et pas seulement aux préoccupations humanitaires, et que certaines décisions sont contraires à la logique du terrain. Ceci peut induire une démotivation, un dégoût voir une «révolte» contre l'autorité d'emploi, nuisibles au bon déroulement de la mission (mission par ailleurs globalement utile).

Une piste intéressante pour jouer sur ce besoin d'estime de soi peut être de faire prendre conscience au secouriste de l'économie qu'il fait réaliser à la communauté. En effet, un malaise à domicile ou dans la rue provoque souvent l'envoi d'une ambulance ou d'un VSAV2 ; en revanche, si la personne est prise en charge par une équipe de secouristes bénévoles, le bilan transmis au SAMU sera plus précis et évitera des départs et hospitalisations inutiles (donc réduction de coût et meilleure disponibilité du personnel et des véhicules). Les secours publics ne peuvent raisonnablement pas laisser une personne dehors même si son état n'est pas grave, donc le fait même de pouvoir garder la personne à l'abris, dans le poste ou dans le véhicule, permet une économie. Par ailleurs, cela épargne aussi l'inquiétude (voir le traumatisme) que représente une hospitalisation pour la victime et ses proches.

Si le malaise se révèle grave, ou dans tout autre cas nécessitant une évacuation, la qualité du bilan permet d'envoyer les bons secours au bon endroit, et la prise en charge précoce (préservation des fonctions vitales, mise en position allongée ou semi-assise, mise sous inhalation d'oxygène, immobilisation) permet de diminuer les conséquences sur la santé donc d'alléger la prise en charge ultérieure ; la gestion globale du problème est plus rationnelle, donc plus économique.

Ainsi, le secouriste sait qu'il rend service non seulement à la victime, mais aussi à la communauté, ce qui accroît la satisfaction du besoin d'estime de soi.

La tenue

Le besoin d'estime de soi, c'est aussi un besoin d'identité. Le fait d'imposer une tenue trop uniforme risque de mal passer, la personne voulant garder un caractère personnel. La tenue a plusieurs rôles :

Elle doit répondre à un «cahier des charges» imposé par l'État via des lois et décrets : code du travail et notion d'équipement de protection individuel (EPI, article L230-2), fiches techniques CFAPSE (arrêté du 8 novembre 1991 modifié relatif à la formation aux premiers secours, Circulaire n° NOR INT E 93 00226 C du 4 octobre 1993 relative aux conditions de participation à des opérations de secours, Circulaire n° 00344 du 23 mai 2001 de la DSC sur le dimensionnement des dispositifs préventifs de secours ). La tenue doit donc avoir une certaine rigueur, «tenue correcte exigée».

Mais certaines personnes sont au contraire réticentes au côté «uniforme», il faut donc aussi savoir garder une certaine souplesse. La tenue est un outil et pas une fin en soi. Par ailleurs, dans un contexte où ce qui ressemble à un uniforme provoque au contraire un rejet de la part du public, il vaut peut-être mieux adopter une tenue plus discrète mais qui répond tout de même aux critères (indentifier de loin, donner confiance au public, protéger le secouriste) ; par exemple, simplement avoir un T-shirt ou un blouson, le reste de la tenue étant «civil». La tenue doit être adaptée aux conditions du terrain, et donc notamment aux conditions sociales du public ; elle doit protéger le secouriste, donc notamment éviter de générer des tension (qui peuvent aller jusqu'à l'agression) ; une tenue «jean-T-shirt» est dans certain cas la tenue qui répond le mieux au cahier des charges de l'État...

Si l'on sait justifier que dans certaines circonstances, une tenue doit être très rigoureuse (cérémonie officielle, catastrophe, dispositif de secours public), cela ne devrait pas poser de problème ; par contre, imposer cette "ultrarigueur" tout le temps et sans raison serait à mon avis une source de démotivation potentielle pour certaines personnes, et irait même à l'encontre de la mission (blocage voir hostilité de la part du public).

Note

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4.5 - Niveau 5 - besoin d'accomplissement personnel

Progresser, développer ses connaissances, la formation continue est une manière de maintenir la motivation : avoir la possibilité de suivre des formations complémentaires, ou bien d'avoir des mises au point par des professionnels (médecins, kinésithérapeutes, sapeurs-pompiers...).

Montrer (se montrer) que l'on est capable de gérer des situations inattendues et complexes... plus que le désir d'action, c'est du plaisir de venir à bout d'un problème dont il est question.

Certaines personnes vont retirer du plaisir dans la gestion, que ce soit la gestion associative (poste dans le bureau de l'association par exemple), ou bien gestion sur le terrain : organiser un poste important, tenir un PC radio, coordonner les équipes, gérer les problèmes de logistique...

Au contraire, cela peut en rebuter d'autres, mais lorsque l'on est à envisager de donner de telles responsabilités à un bénévole, on le connaît depuis longtemps. Pas besoin de Maslow pour gérer cette situation !

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4.6 - Passage bénévole → pompier volontaire

Un certain nombre de jeunes secouristes bénévoles deviennent sapeur-pompier volontaire (SPV). Ceci est parfois vécu comme une «trahison» de la part des associations : ce sont des personnes qu'elles ont formées, souvent à leur frais (un adhérent ne paie souvent qu'une faible part de sa formation), et qui du coup ne participent plus aux revenus de l'association.

Il est bien difficile de «lutter» contre cela, car l'intégration dans un corps de sapeurs-pompiers satisfait plusieurs niveaux de besoins :

Il est donc illusoire de vouloir convaincre un bénévole de rester, on ne fait pas le poids. Par contre, il faut je pense s'attacher à lui laisser de bons souvenirs et à garder un bon contact plutôt que lui faire la gueule, car il sera notre «ambassadeur» auprès des sapeurs-pompiers avec qui nous travaillons régulièrement ; certains pourront même continuer à avoir une activité associative en plus de leur engagement volontaire.

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